Billet régional : Des émotions qui nous traversent

Des rires aux larmes, des larmes aux rires, en passant par la colère ou par la peur. L’histoire de Pâques nous fait passer par toutes les émotions. Et bien, figurez-vous que mon ministère de président de conseil régional aussi.

La période des assemblées générales tient notre Église en haleine et ensemble nous passons par toutes les émotions pascales : la joie du dernier repas, l’effroi et la tentative de résistance armée quand la cohorte vient saisir Jésus, la colère face à la trahison, la tristesse de l’absence, l’angoisse pour l’avenir et le retour progressif, au rythme de chacun, à la solide espérance. Les émotions nous assaillent : faut-il y résister ou faut-il au contraire les laisser venir ? Tout l’art, me semble-t-il, est de les accueillir sans se laisser submerger par elles.

 

La tradition réformée a bien conscience des dangers d’une Église qui laisserait les émotions prendre les commandes de la vie collective : trop de risques de manipulations des esprits, trop de risque de confondre émotions et parole de Dieu. Pour autant les étouffer serait encore pire et c’est justement la non-prise en compte des émotions qui génère tant de conflits violents dans l’Église. Or si Saül avait besoin d’un musicien pour calmer son humeur, si le roi David a dansé de toutes ses forces devant l’arche, si Marthe n’a pas retenu sa colère pour reprocher à Jésus d’avoir laissé mourir Lazare, c’est bien le signe que les émotions font non seulement partie de nos vies, mais aussi, bien sûr, de nos relations avec Dieu lui-même ! Dans son magnifique livre, Éloge du risque, la philosophe et psychanalyste Anne Dufourmantelle déroule un plaidoyer pour la vie. Elle décortique tous les lieux de notre vie quotidienne pour les ré-enchanter et ne pas nous laisser enfermer par la peur de mourir. J’aime par exemple sa manière de décrire la tristesse pour en souligner sa fécondité : « la tristesse nous laisse entre deux mondes, ni désespoir ni indifférence, elle est une promenade au bord de la catastrophe, mais avec élégance, comme un enfant qui court le long d’une falaise sans percevoir le danger, les yeux dans la fracture de ciel, le dessin des nuages, la douceur de vent. »

 

Alors que nous venons de célébrer Pâques et que la nature explose de vie autour de nous, réjouissons-nous pour cette vie qui fourmille aussi dans nos paroisses et n’ayons pas peur de partager et de nommer les émotions qui nous traversent. Et, petite proposition de ma part, pourquoi ne pas utiliser l’espace du courrier des lecteurs de Réveil pour partager vos peines, vos colères et vos joies ? Ces messages susciteront du débat peut-être, mais ils seront aussi le signe que nous sommes une Église pleine d’émotions, pleine de vie !

 

Robin Sautter

Président du bureau du conseil régional

 

Billet publié dans le supplément Nouvelles des églises du magazine Réveil (avril 2024)

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